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Les femmes guinéennes exilées, funambules sur le fil tranchant de leur vie

Les femmes guinéennes exilées, funambules sur le fil tranchant de leur vie

Nous souhaitons mettre la lumière sur une problématique au cœur de notre travail social quotidien: la question des femmes guinéennes exilées en Belgique.

Cela fait des années que la Belgique est un gage de protection des droits des femmes. En effet, le pays a octroyé le statut de réfugié à de nombreuses filles et leurs parents en crainte de mutilations génitales féminines (MGF), la plupart originaires de Guinée et de Somalie. Ainsi, les femmes guinéennes exilées y trouvaient-elles un havre de paix et de sérénité pour leurs enfants.

Toutefois, en avril 2019, nous avons fait un pas en arrière : suite à un changement de politique du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA), la reconnaissance du statut de réfugié de l’enfant se distingue désormais du droit au séjour des parents. Concrètement, cela veut dire que si une fille mineure a une crainte de persécution en raison du risque de MGF, elle sera en principe reconnue réfugiée alors que cela ne sera pas le cas de sa mère si celle-ci ne peut prouver une persécution fondée à son égard ou un risque réel de blessure grave. Comment reconnaître le besoin de protection d’un enfant sans reconnaître celui de la mère qui l’accompagne et s’en occupe au quotidien ?

Seule alternative pour ces mères : introduire une demande de régularisation. Toutefois, il s’agit là d’une démarche instable, coûteuse et frustrante pour les parents et associations comme Convivial qui s’efforcent de répondre aux besoins des réfugiés à s’installer, s’intégrer et reconstituer leur vie familiale et l’avenir de leurs enfants en Belgique.

Cette lacune juridique qui se trouve au cœur de notre démocratie est source d’une grande souffrance pour les femmes guinéennes. Il ne faut pas perdre de vue que si le CGRA leur refuse une protection, elles risqueraient d’être obligées de rentrer au pays, probablement marginalisées par leurs communautés et mettant en péril la santé physique et mentale de leurs filles. Notre responsabilité est de mettre la lumière sur les conséquences de cette nouvelle politique et de faire entendre leurs voix.

Par ailleurs, ce durcissement politique entraîne d’autres conséquences en cascade. En effet, refuser le statut de réfugié à ces femmes, c’est également leur refuser la souplesse des conditions de regroupement de la 1e année de reconnaissance de statut. Autre difficulté de regroupement familial : l’Office des Etrangers (OE) refuse désormais les jugements supplétifs en remplacement des actes de naissances et de mariages, la Guinée étant un pays où la coutume n’oblige pas cet enregistrement à l’état civil. Cela n’était pas le cas avant. Cela donne donc lieu à des réponses négatives pour la demande de visas ou à la demande de tests ADN afin de prouver le lien de parenté et de valider le lien avec les conjoints. Il s’agit encore là de toute une problématique, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, ces tests remettent en cause la maternité de ces femmes. L’une d’elle témoigne à propos de ses enfants : “Je les ai enfantés dans la douleur et on doute du lien que j’ai avec eux ». Ensuite, à cela s’ajoute la difficulté d’obtenir les moyens financiers pour payer ces tests qui coûtent 200€/membre de la famille. Certaines femmes sont ainsi poussées à choisir un à un les enfants à regrouper.

Ces femmes sont donc triplement victimes. Tout d’abord, elles ont été ou ont encouru le risque d’être l’objet de violences domestiques telles que les MGF, mariages précoces et forcés. La mémoire de ces événements se perpétue en elles. Ensuite, il s’agit souvent de femmes isolées ou coupées de leur famille, qui accompagnent leurs filles mineures, se retrouvant seules à élever leur enfant dans le nouveau pays d’accueil. Enfin, ce sont des femmes qui ont mis leur vie en péril en fuyant leur pays et ses traditions pour se réfugier dans un pays d’accueil dans lequel elles vivent l’exil, pays même qui désormais leur refuse une protection internationale et durcit les procédures de regroupement familial à leur égard. Il nous semble dès lors impossible d’être un spectateur passif de la souffrance de ces funambules qui évoluent sur le fil tranchant de leur vie.

 

Service social général de Convivial : Farzaneh Olya, Aurore Cyubahiro et Camille Dumont