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Reportage: Enfin "chez soi" avec Convivial

Reportage: Enfin "chez soi" avec Convivial

Le statut de réfugié obtenu, les demandeurs d’asile ont deux mois pour quitter les structures d’accueil et trouver un toit, sous peine de se retrouver à la rue. Convivial, une association née dans les années 90’ juste après le génocide rwandais, aide les réfugiés à s’installer durablement en Belgique. Une aide bienvenue à un moment décisif du parcours d’installation et d’intégration, comme le raconte Sharon Geczynski

Reportage paru dans la revue Points Critiques, bimestriel de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique, janvier 2020.

Convivial propose différents services spécialisés et complémentaires pour aider les réfugiés à se reconstruire dans leur nouveau pays d’accueil. Avec une équipe de vingt travailleurs sociaux Convivial accompagne chaque année près de 3000 personnes dans leurs démarches. Pour rendre possible l’accueil dans leur langue maternelle, l’équipe de travailleurs sociaux maîtrise la plupart des langues parlées par les réfugiés. En plus du français, de l’anglais et de l’espagnol, ils parlent arabe, kinyarwanda, kirundi, swahili, lingala, ewe, dari, farsi, pachtoune, wolof… Plusieurs travailleurs sont d’anciens réfugiés, ce qui constitue un atout certain.

« je n’arrive pas à visiter des appartements. Quand j’appelle, les propriétaires me demandent des fiches de paies ».

Dans la salle d’accueil, Binta, une Guinéenne de 24 ans patiente avec son bébé. Marie-France la reçoit pour sa première inscription et lui explique le champ d’action de Convivial. Après deux ans de démarches, Binta a enfin décroché son statut de réfugiée et recherche à présent son premier logement privé en Belgique. D’ici un mois, elle devra quitter le logement de transit géré par le CPAS de Waterloo où elle réside depuis sa sortie du Centre FEDASIL : « je veux venir habiter à Bruxelles parce que c’est plus facile pour trouver des formations et du travail », explique-t-elle à l’assistante sociale. Elle a déjà entamé son exploration du marché locatif bruxellois, mais comme d’autres réfugiés, elle se heurte à certains freins : « je n’arrive pas à visiter des appartements. Quand j’appelle, les propriétaires me demandent des fiches de paies ».

Si Binta parvient à décrocher une visite, elle est aussitôt confrontée à un deuxième obstacle : réunir une somme d’argent colossale au moment de la signature du contrat de bail. En plus de son premier loyer, il lui faudra constituer une garantie locative avant même d’avoir obtenu l’aide du CPAS. En effet, le logement conditionne tout le reste, dont l’allocation du CPAS qui sera débloquée uniquement après domiciliation. Ajoutez à ces obstacles le fait que certains propriétaires exigent de recevoir l’argent de cette garantie en main propre (ce qui est illégal) et vous aurez compris à quel point cette quête s’apparente à un parcours du combattant.

« on expose les difficultés rencontrées par les réfugiés, le fait qu’ils ne connaissent pas toujours les codes, on explique aussi ce qu’on met en place pour éviter le vide locatif : prêt de la garantie locative et du premier mois de loyer, un ordre permanent… »

C’est précisément à ce stade du parcours des réfugiés qu’intervient Convivial, en la personne de Louisa, qui propose à Binta de l’aider dans sa recherche de logement. Si Binta déniche de son côté, des annonces de logements à louer, Louisa prendra le relais pour obtenir une visite et persuader le propriétaire de prendre Binta comme locataire. La fonction des travailleurs sociaux spécialisés dans la recherche de logement nécessite, de par sa singularité, un certain degré de polyvalence.

A cheval entre les démarcheurs immobiliers et les travailleurs sociaux, ils passent une partie de leur temps à rechercher des logements accessibles aux réfugiés sur des plateformes comme Immoweb, à convaincre les propriétaires de contracter un bail avec un public précarisé, à s’assurer que ces logements soient salubres et conformes au Code du logement pour éviter les marchands de sommeil.

Ils doivent également user de pédagogie pour déconstruire les préjugés envers les personnes précarisées et/ou d’origine étrangère et convaincre les propriétaires grâce aux avantages du suivi et de l’accompagnement proposé par Convivial : « on expose les difficultés rencontrées par les réfugiés, le fait qu’ils ne connaissent pas toujours les codes, on explique aussi ce qu’on met en place pour éviter le vide locatif : prêt de la garantie locative et du premier mois de loyer, un ordre permanent… ».

Aujourd’hui, Louisa va tenter de faire coup double, trouver un logement pour un couple de réfugiés et éviter le vide locatif à un propriétaire dont le locataire est parti au bout de trois mois sans crier gare.

« Avant j’avais beaucoup de difficultés avec les locataires. Depuis que je connais Convivial, je peux compter sur eux. »

Nous arrivons à notre lieu de rendez-vous, le propriétaire ainsi qu’un jeune couple de réfugiés afghans nous attendent devant la porte de l’immeuble saint-gillois. Hassib est arrivé à Bruxelles il y a quatre ans, sa femme Khatema vient à peine de le rejoindre par regroupement familial. Ce jeune couple afghan cherche un nouveau logement, celui de Hassib étant devenu trop petit.

Quand le propriétaire aperçoit Louisa, il lui fait la bise et sourit. Aydin a découvert Convivial par hasard il y a un an et est conquis : « C’est pratique. Avant j’avais beaucoup de difficultés avec les locataires, ils détérioraient le logement, ne payaient pas le loyer, j’allais parfois en justice de paix, je perdais beaucoup de temps et d’argent. Depuis que je connais Convivial, je peux compter sur eux. Louisa est une perle rare, je l’appelle et elle règle les problèmes sur le champ ». En matière de profils, les propriétaires solidaires ne correspondent pas forcément non plus aux clichés. Aydin est turc.

Il est arrivé en Belgique avec sa femme à la fin des années 70’ et a habité ce quartier populaire du bas de Saint-Gilles, il a tenu le magasin d’alimentation générale au coin de la rue pendant quinze ans. Il se remémore les difficultés qu’il a lui-même éprouvées : « le chauffage fonctionnait mal, on avait froid. On avait trouvé tous nos meubles dans la rue. »

Si Aydin fait appel à Convivial, c’est principalement pour éviter les tracas que connaissent la plupart des propriétaires bailleurs. Mettre son bien entre les mains de Convivial lui permet d’avoir à portée de main une médiatrice comme Louisa : « Tout ce que je veux, dit-il, c’est que cet appartement soit occupé le plus longtemps possible et mon loyer payé à temps. Pour le reste, je n’indexe pas le prix du loyer et je me moque bien de savoir la couleur ou l’origine (ethnique) de mes locataires. ».

On rentre dans l’immeuble. Louisa sait où trouver les compteurs d’électricité et procédera à l’état des lieux. L’appartement se compose de deux pièces en enfilade, une cuisine équipée donnant sur un salon et une chambre à coucher ainsi qu’une salle de douche. Louisa prend le temps d’expliquer aux futurs locataires les détails du contrat, leurs droits et leurs devoirs avant de passer à la signature du bail. Pour ce jeune couple, la page belge de leur histoire vient de s’ouvrir et l’aventure de commencer.

 

 

 

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